Impression 3D, bâtiments connectés, centre R&D intégré… A quoi ressembleront les entreprises demain ? À l’occasion du Forum Agroalimentaire Innovation organisé par La Tribune et le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, plusieurs entreprises innovantes de la région ont présenté les moyens qu’elles ont mis en œuvre pour s’adapter et et coller toujours davantage aux attentes des consommateurs.
Filière d’excellence en Nouvelle-Aquitaine, l’agroalimentaire est également le premier employeur industriel de la région. Le secteur doit faire face à de nombreux défis, la plupart tournant autour de l’innovation. A l’occasion du Forum Agroalimentaire Innovation organisé par La Tribune et le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, le Groupe Mericq a notamment témoigné lors de la 2e table ronde, intitulée « Quelles entreprises agroalimentaires dans 20 ans ? »
Spécialisé dans l’approvisionnement, la transformation et la distribution de produits de la mer, cette société familiale agenaise cherche notamment à répondre aux exigences de traçabilité qu’expriment les consommateurs. Mericq s’est lancé dans une vaste transformation numérique de ses activités. En 2011, commence la métamorphose de l’usine qui se dote d’outils de pointe dans la conservation. En 2016, c’est son propre laboratoire de qualité (en microbiologie et bactériologique) qui voit le jour. Une application est développée afin que les clients (grande distribution, détaillants, centrales d’achat et restaurateurs) puissent restés informés sur le prix, les volumes et même visionner des vidéos filmées par les pêcheurs. La salle de marché leur est accessible en temps réel via des notifications envoyés directement sur leurs smartphones, leur permettant de vérifier en temps réel les cours, comme à la bourse. Une digitalisation qui permet à la fois de contrôler les flux logistiques, mais également de gagner en efficacité. En interne aussi la révolution numérique a été déployée avec notamment un réseau social interne baptisé Truitter. Il permet d’envoyer des informations rapidement aux salariés et prestataires sur le terrain de manière courte et efficace, et propose une nouvelle manière de travailler en cassant les silos. Pour Charlotte Abadie, directrice générale déléguée du Groupe Mericq, l’objectif est de faire gagner en valeur, en réactivité dans le fonctionnement, le commerce et le service.
« Nous dépendons pleinement de la ressource qui se raréfie. Notre objectif est une adaptation à la nouvelle génération, comme la mise en place d’un bateau école sur nos structures de Bretagne pour former des nouveaux pêcheurs. Nous voulons également toujours répondre et nous adapter aux nouveaux modes de consommation. Par exemple, nous développons des solutions pour micro-onde car nous ne voyons plus de jeunes lever des filets de merlu.«
Aujourd’hui, Mericq emploie 700 collaborateurs répartis sur 28 sites, son chiffre d’affaires avoisine les 274 millions d’euros en 2016, contre 30 personnes dans les années 2000 pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros.
Une réorganisation en chocolat
L’Atelier du chocolat a aussi changé ses process de production et de gestion pour une meilleure efficacité. L’entreprise artisanale bayonnaise, présente depuis 1951 dans le secteur agroalimentaire, a su se réinventer. Un tournant entamé en 1995 avec la mise en ventes de bouquets en chocolat, puis, essentiellement en ouvrant son marché à un réseau de distribution. L’entreprise a su adapter son offre en fonction des nouveaux clients et des nouvelles demandes, en passant par un changement global. Les gammes, les produits, la façon de les emballer, de les vendre : tout le mode opératoire a été remis à plat.
De deux collections-produits par an, l’entreprise en propose 9 aujourd’hui. « L’idée était de se baser sur le savoir-faire du personnel« , souligne Catherine Cazaneuve Vinuales, présidente de l’Atelier du chocolat. Les gestions des données, des stocks, des flux ont été déléguées à un ERP (un progiciel). Catherine Cazaneuve a tenu à ce que chaque membre de l’entreprise se sente concerné par ce changement.
« L’e-management a été une manière de gérer la complexité, et de se concentrer sur la valeur des hommes. Faire en sorte qu’ils soient les acteurs de leur propre organisation du travail et qu’ils soient en permanence à la base de l’amélioration des produits », poursuit-elle.
Aujourd’hui la société compte 125 salariés pour 9,5 millions de chiffre d’affaires.
« Qui n’innove pas, recule, estime Catherine Cazaneuve Vinuales. C’est un de mes leitmotiv aujourd’hui. Les consommateurs évoluent plus vite qu’ils ne l’ont jamais fait. Du B2C, nous évoluons en B2B en proposant de la personnalisation pour les cadeaux de fin d’année en faisant appel à l’impression 3D, mais également dans le renouvellement de nos gammes. »
Des gourmandises imprimées en 3D
Une entreprise qui s’est spécialisée dans l’impression 3D alimentaire, c’est Tridifoodies. La startup propose des gourmandises à base de sucre et de pulpe de fruit qui se situe entre l’artisanat et l’agroalimentaire. Tridifoodies propose une possibilité quasi infinie de couleurs (6 millions), de texture, de taille, de design ou de forme. Plusieurs marchés s’ouvrent, celui de l’événementiel, des sites et musées, et celui des restaurateurs intéressés par la tendance FoodTech.
« On peut proposer des textures qui ne sont pas possible au moulage ou à la main, puisque nous pouvons faire des vides par exemple, explique la dirigeante de Tridifoodies, Annabel Théate. On propose des cadeaux d’affaire ou des goodies mais aussi des bâtiments ou des personnages. Pour des musées par exemple, on peut reproduire une œuvre d’art en boutique. Un troisième marché s’ouvre à nous, c’est la création culinaire. Cela permet aux créateurs pâtissiers ou créateurs culinaires de donner des formes à leurs plats qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui. »
Il a fallu deux ans et demi de recherche et développement avant de pouvoir commercialiser l’offre. Un intérêt qui se teinte de culture local en imitant parfaitement la fraise du Périgord ou encore le melon du Poitou. Le process de production éviter la surproduction comme une surconsommation, puisque les clients formulent leurs demandes précises pour une date donnée et exclusivement en série courte. Annabel Théate se risque à imaginer ce qui pourrait se passer dans les prochaines années :
« Le consommateur va faire bouger la filière. En termes de prospective, j’imagine une sorte de distributeur placé dans les foyers ou hors foyers qui répondra à une demande personnalisée. On pourrait sélectionner, comme on sélectionne aujourd’hui notre café, une gourmandise, que ce soit le goût, la forme, les arômes, les matières. J’imagine aussi à un autre niveau, celui des startups, que ce produit répondra aussi à nos besoins immédiats de santé. »
La fermentation alimentaire bientôt locale
« La fermentation alimentaire existe depuis la nuit des temps pour fabrique la bière, le vin etc. », affirme Jean-Pierre Barthole, directeur du site de Melle de Dupont/ Danisco France. « Nous ne faisons que trouver dans la nature des micro-organismes qui peut intéresser l’industrie agroalimentaire. »
Un savoir-faire qui a été bousculée dans les années 2 000 par l’arrivée d’acteurs chinois. Ce qui a obligé Dupont / Danisco France à revoir sa stratégie. L’entreprise, présente sur le marché depuis 1872, décide d’investir dans la recherche de nouvelles gammes de produits en exploitant son savoir-faire. Une stratégie qui fonctionne puisque l’entreprise compte aujourd’hui plus de 200 produits au catalogue (contre 10 dans les années 2000).
« Nous allons sur des marchés de la nutrition médicale pour les grands opérés, à des marchés de 4ème âge et les problèmes de fausse route, etc. Nous avons pu aussi augmenter notre gamme parce que nous avons adapté nos procédés à la demande présente et à venir. C’était un pas très important. Nous avons également complexifié énormément le procédé de nos unités en passant à du multi-produits, détaille Jean-Pierre Barthole. »
Les barrières technologiques mises en place se veulent être une garantie face à la concurrence. L’introduction du circuit court aussi est un des objectifs de Dupont / Danisco France. Pour le blé par exemple, des initiatives sont en discutions depuis 2010 et le site de Melle est en passe de concrétiser cet ambitieux programme de recherche.
« Notre cahier des charges est compliqué, il va à l’inverse de ce que recherche un agriculteur aujourd’hui, poursuit Jean-Pierre Barthole. Nous avons été accompagnés par les acteurs de la Région et les coopératives locales pour développer des matières premières maîtrisées, sans OGM, dans une agriculture raisonnée et digitale. Nous pourrons nous fournir dans des coopératives qui seront dans un rayon de 30 kilomètres de notre usine. Nous serons dans une situation unique d’utiliser des matières premières locales pour faire de la fermentation industrielle. »
« De l’innovation de bon sens »
Jacques Mathé, professeur associé de la faculté de sciences économiques de l’Université de Poitiers et économiste au réseau Cerfrance, a résumé les propos de la table ronde en insistant sur « la diversité de la Région qui est une de ses caractéristiques. Il n’y a pas de modèle, on parle avant tout de savoir-faire. C’est très riche. » Tout en soulignant que les innovations présentées par Dupont / Danisco France, L’Atelier du chocolat ou Mericq relevaient « de l’innovation de bon sens« , cherchant non plus à se perdre dans de la technologie mais appuyées sur une stratégie réfléchie, des besoins, un savoir-faire à mettre en valeur. Sur l’exigence des consommateurs, Jacques Mathé est des plus optimistes pour la filière agroalimentaire :
« Nous sommes tous des consommateurs et nous avons tous un avis différent sur l’approche que nous avons des produits. Donc cela structure une demande extrêmement large et diverse. Pour un opérateur de l’agroalimentaire, ça permet d’avoir beaucoup d’opportunités et donc le champ de possible est extrêmement large. »
Ce qui retient aussi l’attention de Jacques Mathé, c’est l’importance de la traçabilité dans l’avenir de l’agroalimentaire :
« C’est incontournable. Je dirais même que c’est une exigence et un devoir d’information sur les process. Le consommateur est de plus en plus informé par tout un tas d’outils, notamment les réseaux sociaux qui va lui permettre d’interagir avec le producteur. C’est un élément clé pour tous les produits de biens de consommation. L’expérience client est un bon vecteur d’adaptation et d’innovation. »
Lien de l’article La Tribune Bordeaux : https://objectifaquitaine.latribune.fr/agroalimentaire/2017-11-08/forum-agroalimentaire-innovation-si-une-entreprise-n-innove-pas-elle-recule-757186.html